Sur Kôtaro...
Jeune loup affamé
Yeux brillants et étincelantes dents
Je sais que pour les humains, les histoires commencent généralement par « il était une fois », mais ce ne sera pas le cas ici.
Gestes amples et pas lents
Je m’appellais Kôtaro. Pour moi, tant qu’il y a du gibier à chasser et un coin où dormir au chaud, je suis heureux. Avant j’étais un brigand, qui vivait en tuant plus que raison. Mon enfance n’avait pas été heureuse, et je ne voyais pas pourquoi je serais le seul a souffrir. J’étais bête, à l’époque. Quant à savoir si je le suis toujours… Enfin, je me vantais d’être le plus fort de toute la région, c’était peut être vrai.
Humaine silhouette et animal sentiment
Ben je n’aurais surement pas été le plus fort dans sa région. J’ai erré quelque temps, sans but, sur « mon territoire » comme je l’appellais. J'etais un loup. Une terreur des bois... Ainsi commenca ma longue errance dans le monde des hommes.
Légende oubliée et mythe vivant
Vivre parmi eux est désespérement facile : il n’y a qu’a trouver les riches, leur faire les yeux doux, principalement aux enfants, et attendre qu’ils me cèdent un peu de leur nourriture en piallant « oh le beau chien ! ». Vivre, c’est facile quand on est un loup.
Qui se promène au milieu des hommes ?
Qui les hait autant qu'il les aime ?
Oh, détrompe toi ! Je savais chasser. Alors, va ! Pourquoi ? Je n’étais plus humain, mais je n’étais pas loup. J’étais bien, c’est tout.
Qui voudrait tant être l'un d'entre eux, mais qui jamais ne le pourra ?
Qui se promène dans les bois, parce que les enfants se sont enfuis ?
J'ai faim...
Tout simplement faim...
Je n'étais déjà pas bien épais avant tout ceci... Mais maintenant, mes côtes saillent de ma poitrine, mes anches ressortent sur mes côtés, mes bras et mes jambes sont aussi fins que des allumettes...
Je suis sûr que Chigusa s'effondrerait sûrement en pleurant si elle me voyait...
Tiens ? Quel est ce bruit ?
Une sorte de couinement...
Là, un rat !!!!
Je regarde longuement la bête.
Alors qu'elle arrive près du mur, je ne me retiens plus et me jette sur elle.
Raaah !!!! Merde !!! Je l'ai raté !!!
Elle s'est enfuie dans un trou à la base d'un des murs...
J'ai raté une chance de manger quelque chose aujourd'hui... Quel imbécile je fais !!!! J'aurais dû sauter bien avant !!!
Il faut croire que j'ai encore un sentiment d'être humain en moi qui répugne à manger de la chair si peu noble...
Raaah !!! Foutue déontologie humaine !!!
Chaque lune qui se lève lui ramène en mémoire les horreurs de sa vie.
Chaque lune lui vole un morceau de son coeur fatigué.
Chaque lune le tue un peu plus.
Chaque lune lui donne un peu plus envie de mourir
.
J'ai faim...
Allez, un peu de psychologie... Je n'ai pas faim. Je n'ai pas faim. Je n'ai pas faim.
Putain que j'ai faim !!! Je meurs de faim, je crêve littéralement de faim !!!
Je m'allonge sur ma couche détrempée, esayant de trouver un peu de sommeil pour oublier le reste.
Je ferme les yeux et attends que Morphée vienne me prendre dans ses bras.
Mais la Déesse n'a pas l'air décidée et je ne sais quel autre Dieu a pris la résolution de me torturer un peu plus en me faisant entendre un bruit minime.
'couic couic couic'
Le rat se fait entendre de son coin...
Ce foutu morceau de barbaque me nargue de son couinement aigu !!!
Bientôt, je n'arrive plus à me concentrer sur autre chose que ce putain de bruit. Ce rongeur est là, à quelques mètres de moi... Et je ne peux ni le voir ni l'atteindre mais seulement l'entendre...
Entendre cet amas de cellules vivantes bouger et vivre dans ce mur.
'couic couic couic'
Mon esprit s'emballe et me montre les images des muscles roulant sous les poils de l'animal, me montre la chair rouge et pulsante de vie, le sang sombre glissant dans les veines.
'couic couic couic'
Il me montre comment je pourrais l'attraper et lui tordre le cou d'un geste vif. Comment mes dents arracheraient la chair et comment le sang coulerait le long de ma gorge déseschée. Comment ma langue reprendrait vie pour me donner le goût de la viande savoureuse que je mâcherais.
'couic couic couic'
Je craque et me jette sur le mur en hurlant un cri de bête sauvage. Cri inhumain remontant de mes entrailles tel le feulement d'un tigre, uniquement instinctif, cri de prédateur sautant sur sa proie.
Je laboure le mur de mes ongles, tel un fou en espérant pouvoir y creuser jusqu'à atteindre mon futur repas.
Je creuse, tappe, griffe. Comme un forcené, puisant dans mes dernières forces pour détruire cet obstacle entre ma proie et moi.
Mais je n'arrive à rien. Juste à me retourner les ongles et à mettre mes doigts en sang...
Chaque seconde qui passe le rapproche de sa fin.
Chaque seconde est plus douloureuse que sa précédente.
Chaque seconde qui s'écoule le fait trop lentement.
Chaque seconde est bénie et maudite à la fois
.
A quoi bon vouloir s'attaquer à un mur en fer quand on est pas de la rouille ?
Alors je me mets à hurler. Hurler mon désespoir tel un loup peut hurler à la Lune. Hurlement primaire qui vient du fond de mon être. Hurlement portant avec lui tous mes derniers espoirs brisés, ma dernière lueur de volonté de vivre.
Je m'écroule à terre le long du mur et reste ainsi, un bras tombé sur le visage, ne bougeant plus.
Mes yeux se ferment, ma respiration se fait de plus en plus lente, mon coeur ralentit ses battements.
Rires moqueurs et larmes naissantes
Blessures et trahison, vie haletante
Profondeurs sombres, chute frustrante
Sentiments changeants, haine tentante
.